03 mars 2025 05:45
L’IA et le cinéma, pour ou contre ?
Cinéma et société
L’intelligence artificielle soulève de nombreuses questions dans le domaine artistique, notamment en ce qui concerne le cinéma. Une maîtrise de son utilisation est nécessaire, et des lois doivent encadrer son usage afin d’éviter les dérives.
Ces technologies ont le potentiel de transformer l’industrie cinématographique, mais il est plus probable qu’elles entraînent une évolution plutôt qu’une disparition du cinéma traditionnel. Comme le souligne Sarah Lelouch, fondatrice du TechCannes Business Club, dans la tribune, l’IA ne doit pas être perçue comme une menace, mais comme une opportunité pour enrichir le cinéma. Elle rappelle que les nouvelles technologies n’ont jamais été des ennemies du septième art, mais au contraire, elles ont toujours participé à son évolution, comme ce fut le cas avec l’avènement des effets spéciaux ou de la 3D. L’intelligence artificielle pourrait, comme dans de nombreux autres domaines, assister les professionnels en automatisant certaines tâches redondantes, telles que la correction de scénarios, l’aide au montage ou encore l’ajout de sous-titres. Elle pourrait également améliorer la création d’effets spéciaux, les rendant plus réalistes et accessibles. Toutefois, la créativité humaine restera essentielle pour donner au cinéma sa dimension artistique et émotionnelle, car une machine ne peut pas exprimer de sentiments ni d’émotions. L’IA serait donc davantage un outil technique qu’un substitut à l’humain. Selon la tribune c'est la conviction que porte le techCannes Business Club, qui co-organisera en avril prochain à Nice le WAIFF (World AI Film Festival), le premier festival de cinéma qui récompensera les productions audiovisuelles réalisées avec l'aide de l'intelligence artificielle.
Les deepfakes une opportunité pour le cinéma
Les deepfakes, ces vidéos générées par l’IA qui permettent de superposer des visages et des voix sur d’autres corps, offrent des perspectives intéressantes aux créateurs. Elles pourraient permettre de faire revivre des acteurs décédés ou de recréer des scènes autrement impossibles, comme ce fut le cas avec le personnage du gouverneur impérial incarné par Peter Cushing dans Rogue One alors qu’il était décédé en 1994. Cependant, Disney a été poursuivi pour cette utilisation, ce qui montre les controverses éthiques qu’elle soulève. En effet, si les deepfakes peuvent enrichir la production cinématographique, leur usage excessif ou malveillant pourrait nuire à la crédibilité du cinéma en brouillant la frontière entre réel et artificiel. La crainte des professionnels du secteur est légitime : beaucoup redoutent d’être remplacés par l’IA. C’est pourquoi son utilisation doit être strictement réglementée. On le constate avec des cas récents comme celui du film The Brutalist, où l’IA a été utilisée pour améliorer l’accent hongrois des acteurs principaux, Felicity Jones et Adrien Brody. Cette utilisation a déclenché une vive polémique sur l’authenticité de la performance. Toutefois, comme le rappelle Sarah Lelouch, il ne s’agit pas de remplacer les acteurs mais d’optimiser certains aspects techniques, au même titre que le maquillage numérique utilisé pour rajeunir ou vieillir un personnage.
©20th Century Studios, 20th Century Home Entertainment
Le débat sur l’authenticité d’une performance s’intensifie, notamment dans le cadre des grandes récompenses cinématographiques comme les Oscars. Aujourd’hui, rien n’interdit officiellement l’utilisation de l’IA dans une performance d’acteur, ce qui soulève une question d’équité entre les comédiens. Si un acteur reçoit un prix pour une prestation améliorée par l’IA, comment juger objectivement son talent face à une performance purement humaine ? Ce débat est d’autant plus crucial dans un contexte où Hollywood a connu d’importantes grèves en 2023 pour protester contre l’impact de l’IA sur les métiers du cinéma.
La question de l’éthique
L’éthique est une dimension cruciale lorsqu’on analyse l’impact de l’intelligence artificielle et des deepfakes dans l’industrie cinématographique. Si ces technologies ouvrent de nouvelles possibilités créatives, elles posent également des questions complexes sur la légitimité, l’authenticité et la valeur du travail humain dans le cinéma.
La reconnaissance des performances aux prix prestigieux comme les César ou les Oscars pourrait ainsi être remise en question si l’IA devient trop impliquée dans la création des rôles. Si un acteur est nommé pour une performance en grande partie générée par une IA, cela interroge sur la notion même de jeu d’acteur et sur l’authenticité d’une interprétation.
Prenons l’exemple d’un acteur dont l’image est recréée grâce à la capture de mouvement ou aux deepfakes, comme ce fut le cas avec Peter Cushing dans Rogue One. L’acteur n’est plus là pour interpréter, mais son image et sa voix sont utilisées sans son consentement direct. Dans une telle situation, si le film était nommé aux Oscars, pourrait-on légitimement accorder un prix à un acteur « virtuel » ? Une telle nomination semblerait injuste vis-à-vis des acteurs ayant réalisé une performance entièrement humaine, sans intervention numérique.
L’IA est déjà utilisée dans plusieurs aspects de la production, notamment pour modifier la voix d’un acteur afin d’atteindre un accent parfait ou une justesse vocale irréprochable pour le chant. Toutefois, cette avancée pose une question essentielle : qui mérite réellement la reconnaissance d’une performance ?
©A24, Universal Pictures, Focus Features, United International Pictures
Les deepfakes introduisent également une problématique éthique majeure en matière de manipulation d’images. Si un acteur est remplacé par une version numérique de lui-même après sa mort ou sans son consentement explicite, cela peut être perçu comme une appropriation abusive de son image et de son travail. La question de la propriété de l’image et de la voix d’un acteur est essentielle, et il est nécessaire de définir clairement les limites de ces pratiques.
L'éthique des deepfakes : Entre protection et manipulation
Comme l’a souligné Sarah Lelouch dans la tribune, l’IA peut aussi servir à des causes positives, notamment dans les documentaires réalisés en Iran où elle a été utilisée pour modifier les visages de témoins afin de les protéger de la répression. De plus, la blockchain, souvent associée à l’IA, pourrait permettre de renforcer la protection du droit d’auteur et garantir une meilleure rémunération des artistes.
Enfin, le recours aux deepfakes pour créer des performances virtuelles soulève la question de la fraude artistique. Si un acteur est recréé à partir d’anciens enregistrements, le public pourrait ignorer si la personne à l’écran est réelle ou une pure création numérique. Cette opacité met en péril l’intégrité du cinéma et la manière dont nous percevons l’authenticité d’une performance.
En somme, pas d’inquiétude pour ce qui concerne l’avenir du cinéma. Ce monde, né des avancées technologiques, n’aurait pas été ce qu’il est aujourd’hui sans elles, alors l’IA est plus une opportunité qu’une menace.