17 mars 2025 12:45
Baby : Un portrait saisissant de la jeunesse brésilienne
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©Dark Star Pictures, Uncork'd Entertainment
Baby, de Marcelo Caetano, avec Ricardo Teodoro, João Pedro Mariano et Gabriela Moreyra, sort en salle le mercredi 19 mars. Le film a remporté l'Abrazo du Meilleur Film au Festival du cinéma latino-américain de Biarritz 2024, et Ricardo Teodoro a été distingué par le Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation à Cannes pour son rôle de Ronaldo.
L'idée de Baby est née en 2017, alors que Marcelo Caetano explorait l'histoire d'un jeune garçon fuyant sa famille à São Paulo. Cependant, après de nombreuses recherches et rencontres avec des jeunes sans domicile fixe, il a inversé la perspective : et si c'étaient les parents qui abandonnaient leur enfant ? De ce questionnement est né Baby, un film d’amour tumultueux entre Wellington, dit "Baby", et Ronaldo, sur fond de marginalisation et de survie urbaine.
Le développement du film s'est étalé sur sept ans, une période marquée par la montée de l'extrême droite à São Paulo. Ce contexte politique a influencé la représentation des minorités dans le film, notamment la communauté LGBTQIA+ et les jeunes Noirs. Marcelo Caetano a réalisé de nombreux entretiens pour nourrir son scénario et ancrer son récit dans une réalité tangible.
Un réalisme brut et une ville omniprésente
Comme dans Corpo Elétrico, son précédent film, Caetano dresse un portrait vibrant de São Paulo, ville en constante mutation. Il filme des quartiers anciennement prospères, aujourd’hui paupérisés mais regorgeant de vie. Par une mise en scène immersive, où les bruits de la ville s’entrelacent aux scènes d’intimité, il nous plonge dans l’intensité du quotidien des protagonistes. Le réalisateur a adopté une approche quasi documentaire, en privilégiant l’improvisation et le tournage en caméra cachée avec des objectifs zooms. Ce dispositif confère aux interactions une spontanéité rare, capturant la vérité brute des personnages et de leur environnement.
Baby puise son inspiration dans l’esthétisme sensoriel de Wong Kar-Wai, Pedro Almodóvar et Claire Denis. On y retrouve une mise en scène colorée et charnelle, notamment dans les scènes en huis clos où la proximité des corps et la texture des décors rappellent l’univers de Jacques Demy. Cette approche réhausse l’intensité des émotions et sublime la relation entre les personnages.
Des performances d’acteurs bouleversantes
Marcelo Caetano, également directeur de casting, a misé sur des talents bruts. Ricardo Teodoro, révélé lors d’un casting précédent, impressionne par son interprétation de Ronaldo, tandis que João Pedro Mariano, découvert via les réseaux sociaux, incarne un Baby d’une sensibilité saisissante. Pour se préparer à son rôle, Mariano a rencontré des jeunes en centre pénitentiaire, apportant une justesse inégalée à son jeu. La caméra de Caetano s’attarde sur les visages, capturant chaque frisson d’incertitude et chaque élan d’espoir.
Le film s’achève sur une poignante réunion des amants, mais une fin alternative avait été envisagée : celle de Baby marchant seul dans la foule, s’effaçant dans l’anonymat de la ville. Cependant, cette scène n’a jamais été capturée comme souhaité, et c’est finalement une image improvisée qui conclut le film, résumant toute la complexité des relations humaines.
©Dark Star Pictures, Uncork'd Entertainment
Baby navigue entre mélodrame, portrait social et récit d’amour, sans tomber dans le misérabilisme. Marcelo Caetano s’inscrit dans la lignée du "novo queer cinema", abordant avec justesse la marginalité, la violence sociale et la quête de soi. Le film, tout en explorant une réalité brésilienne spécifique, touche à l’universel : la fragilité des liens, l’amour sous toutes ses formes et la recherche d’un refuge dans un monde hostile.
Avec Baby, Marcelo Caetano signe une œuvre solaire et bouleversante, un instantané vibrant d’une jeunesse qui lutte pour exister.