02 avril 2025 05:00
"Cassandre" : l'autofiction lumineuse et précieuse d'Hélène Merlin
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© "Cassandre" de Hélène Merlin - Zinc Film
L'été 1998 s'étire sous un soleil implacable. Dans un manoir familial niché au cœur de la campagne française, une adolescente de 14 ans affronte les regards nouveaux que sa famille pose sur son corps en transformation. Voilà le décor suffocant que plante Hélène Merlin pour son premier long-métrage, Cassandre, une œuvre courageuse qui aborde frontalement la question de l'inceste.
Un cri du cœur
Cassandre nous happe dès les premières minutes dans un malaise palpable, sans jamais verser dans le voyeurisme. Une réussite remarquable pour un sujet si délicat. On plonge la tête la première dans l'intimité d'une famille en apparence bourgeoise et respectable, mais dont les fondations sont gangrenées par des non-dits toxiques et des comportements déviants. La jeune protagoniste, passionnée d'équitation, trouve dans un centre équestre voisin un espace de liberté qui contraste violemment avec l'atmosphère étouffante du foyer familial. C'est précisément dans ce contraste que le film puise sa force narrative et émotionnelle. Cette mise en scène intelligente nous fait ressentir physiquement le piège qui se referme sur Cassandre, sans avoir besoin de mots pour l'expliciter.
Un casting lumineux
Cassandre repose en grande partie sur les épaules de sa jeune interprète principale, Billie Blain, véritable révélation. La comédienne livre une performance d'une justesse bouleversante, incarnant avec une maturité stupéfiante les tourments de cette adolescente prise au piège d'une famille toxique. Face à elle, Zabou Breitman compose une mère soixante-huitarde dépassée par ses propres principes libertaires, tandis qu'Éric Ruf, sociétaire de la Comédie-Française, incarne un père militaire rigide et autoritaire.
© "Cassandre" de Hélène Merlin - Zinc Film
Une mise en scène bluffante
Hélène Merlin ne choisit pas la facilité avec Cassandre, s'attaquant à un sujet tabou avec une assurance déconcertante. La réalisatrice, qui a mûri ce projet pendant plusieurs années, nous livre une œuvre aboutie qui témoigne d'une vision cinématographique affirmée et d'une sensibilité rare. La mise en scène impressionne par sa retenue et sa précision. Elle parvient à suggérer l'horreur sans jamais la montrer crûment, plaçant le spectateur dans la position inconfortable mais nécessaire du témoin impuissant.
© "Cassandre" de Hélène Merlin - Zinc Film
Une métaphore mythologique puissante
Le choix du prénom Cassandre n'est évidemment pas anodin. Dans la mythologie grecque, Cassandre, fille du roi Priam, reçoit d'Apollon le don de prophétie mais, ayant refusé ses avances, est condamnée à ne jamais être crue. Cette référence mythologique irrigue tout le film et lui confère une dimension universelle qui dépasse le simple cadre du drame familial. Comme son homologue mythologique, la jeune Cassandre du film perçoit les signes avant-coureurs du danger qui la guette. L'atmosphère incestuelle qui règne dans la maison familiale, la fascination malsaine de son frère pour son corps pubère, les non-dits et les silences complices des parents... Tout converge vers l'inévitable drame, que l'adolescente pressent sans pouvoir l'éviter.
Conclusion
Au-delà de son sujet difficile, Cassandre séduit par la maîtrise de sa mise en scène, la justesse de son écriture et la profondeur de sa réflexion sur les mécanismes familiaux qui permettent l'inceste. Un film nécessaire qui parvient à traiter un sujet tabou avec sensibilité et intelligence, sans jamais verser dans le voyeurisme ou le sensationnalisme.
Un conseil, ne manquez pas Cassandre en salles à partir du 2 avril 2025, une œuvre forte et nécessaire qui marque l'émergence d'une nouvelle voix prometteuse dans le cinéma français. À voir absolument !
