05 septembre 2024 12:00
"À son image" : une Corse aussi belle que poignante
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Thierry de Peretti nous emmène une nouvelle fois en Corse avec son dernier film, "À son image", une adaptation libre du roman éponyme de Jérôme Ferrari. Préparez-vous à un voyage intense, émotionnel et politiquement chargé, où la caméra capture les cicatrices d'une île et les tourments de ses habitants.
Thierry de Peretti, le réalisateur visionnaire de la Corse
Thierry de Peretti n'en est pas à son coup d'essai quand il s'agit de filmer la Corse. Natif d'Ajaccio, il a fait de cette île son terrain de jeu cinématographique, explorant avec une sensibilité unique les zones d'ombre et de lumière qui la traversent. Après le succès de "Une vie violente", film-fresque sur les années de plomb du nationalisme corse, le voilà qui récidive avec "À son image", une oeuvre tout aussi puissante et ambitieuse. Mais ce qui fait la singularité de Thierry de Peretti, c'est sa capacité à saisir l'essence même de la Corse, à en capter les paradoxes et les déchirures. Loin des clichés folkloriques, il plonge au coeur des conflits qui ont façonné l'identité de cette île, entre luttes politiques, affrontements communautaires et drames intimes. Avec son oeil acéré et sa maîtrise du cadre, il nous fait vivre l'histoire de la Corse comme une tragédie grecque, où la violence et la beauté coexistent dans une danse macabre.
Le destin tragique d'Antonia
Au centre de ce tourbillon, il y a Antonia, jeune photographe ambitieuse qui rêve de raconter son île à travers son objectif. Incarnée avec brio par la révélation Clara-Maria Laredo, Antonia est le fil conducteur de cette histoire, une héroïne complexe et attachante qui incarne à elle seule les déchirements de la Corse. Amoureuse d'un militant nationaliste, Antonia se débat entre ses aspirations personnelles et l'engagement politique de son compagnon. Tiraillée entre son désir d'émancipation et les frontières qui l'enserrent, elle tente de capturer l'essence de son île, de la Corse des années 80 à l'aube du nouveau millénaire. Mais son destin tragique, annoncé dès les premières minutes du film, plane comme une ombre menaçante sur son parcours.
La photographie, arme de résistance d'Antonia
C'est par la photographie qu'Antonia cherche à s'affranchir, à saisir la réalité de son île dans toute sa complexité. Là où les armes à feu ont rythmé "Une vie violente", c'est désormais l'objectif de l'appareil photo qui devient l'instrument de la lutte. Antonia capture les moments forts, les visages de ses proches, les actions des militants nationalistes, dans une quête de sens et de vérité. Mais la photographie est aussi un miroir tendu à la Corse, une façon de figer le présent pour mieux le comprendre. En immortalisant les instants fugaces, Antonia tente de donner une voix à ceux qui la composent, de rendre compte de ses fractures et de ses espoirs. C'est un acte de résistance, une manière de s'approprier son histoire et de la transmettre, coûte que coûte.
Une belle esthétique cinématographique
Au-delà de sa dimension narrative et thématique, "À son image" se distingue également par sa réalisation d'une rare beauté. Thierry de Peretti, en véritable artiste du cadre, nous offre une photographie d'une beauté renversante, captant avec justesse la lumière et les paysages de la Corse. Caméra au plus près des personnages, souvent incarnés par des acteurs non professionnels, le film baigne dans une atmosphère d'authenticité et de vérité. Les plans serrés, les cadrages saisissants, la bande-son épurée : tout concourt à plonger le spectateur dans l'intimité de cette tragédie insulaire.
Une oeuvre ambitieuse et engagée
En signant "À son image", Thierry de Peretti livre une oeuvre ambitieuse et engagée, qui transcende les frontières du cinéma régionaliste pour s'imposer comme un véritable manifeste politique. Loin des clichés et des représentations convenues, le réalisateur nous plonge au coeur d'une Corse tourmentée, miroir de notre époque troublée.
